le point sur la situation en Afrique
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le point sur la situation en Afrique
projetant de retourner chez les dogons par la route, la situation n'est pas encore des meilleures :
dixit Pierre Devaux
Le point de vue de Maurice Freund (Point Afrique)
Depuis la création de la Lettre de Point-Afrique, une fois n’est pas
coutume, je me permets de m’adresser directement à vous pour vous soumettre mes réflexions, mes espoirs et mes soucis autour de notre activité dans la zone saharo-sahélienne.
En ces moments où l’on ne parle que de prises d’otages et du développement du néo-fondamentalisme islamique, quelle est notre position? Quelles sont
les perspectives de Point-Afrique? Devons-nous poursuivre? Nous arrêter?...
Analysons ensemble, pays par pays, les dernières évolutions.
Mali/Gao
Voilà quinze ans, l’aventure de Point-Afrique a démarré par le lancement
d’un vol sur Gao. C'était notre contribution pour sceller une paix retrouvée après cinq années de guerre fratricide. J’ai cru en un tourisme responsable et digne qui endiguerait et atténuerait la haine sous-jacente envers l’occident. Force est de constater qu’aujourd’hui, la superposition d’une rébellion au nord de Gao, de l'installation du néo-fondamentalisme et des agissements de bandes maffieuses ne permettent plus d’assurer une sécurité suffisante. Un ami de très longue date a fini, en mai 2009, par rejoindre A.Q.M.I (la branche maghrébine de Al Quaida). Nous nous devions de lever le pied et d’annuler Gao pour la saison 2009/2010. J’en souffre quotidiennement et un sentiment d’amertume m'habite. Une grande partie de la population devient complice de cette nouvelle gangrène. Nous avons perdu la bataille de Gao.
Mopti
A fin décembre 2009, la situation n’est guère brillante. Globalement, le
recul des flux touristiques est de 25 à 30%. Point-Afrique progresse de 20%, mais ne représente que le quart de l’activité. L’offre touristique locale dépasse largement la demande.
La situation au Mali (excepté au nord et à l’est d’une ligne Tombouctou -
Gao - Menaka) reste sécurisée. Sur un plan pratique, le reflux touristique
devrait permettre de réactiver cette zone avec une «clientèle» plus
concernée et d’établir, en partenariat avec les autorités et les
populations, de nouvelles stratégies de développement. La crainte réside
dans l’élargissement de la gangrène vers le Mali central. Le risque fondamentaliste n’est pas pris suffisamment en compte par les populations locales... Nous avons prévu des rencontres de travail à la fin de la saison
Mauritanie
La situation en Mauritanie (du moins dans l’Adrar) est quelque peu
différente. Rappelons que fin décembre 2007, avant l'incident d’Aleg, plus
de six cents personnes débarquaient chaque semaine à Atar...
Il n’y a que très récemment que les populations locales (et les politiques)
ont cessé de nier l’existence de cellules d’A.Q.M.I le long des frontières
algéro-maliennes. Il y eut donc une politique très laxiste sous l'ancien
régime et le pays est en train de payer au prix fort cette légèreté.
Qu’en est-il aujourd’hui? Depuis quelques semaines, le gouvernement a
sérieusement repris en main la sécurisation du pays. Si toutes les zones ne sont pas sans danger, la région de l’Adrar a été totalement revisitée. A la mi-octobre, je me suis rendu à Nouakchott. J’y ai rencontré le Ministre du commerce et du tourisme, le Premier Ministre, le Conseiller spécial du Président de la République et les principaux acteurs de la sécurité. Nous avons, dans une collaboration exemplaire, défini des stratégies et des procédures incluant la population, les guides et les services de sécurité.
Mon fils Philippe Freund a travaillé durant deux mois à Atar, Chinguetti et
dans les environs, à sécuriser la zone. Tous les guides autorisés ont suivi
des stages de formation pour en faire en quelque sorte des «agents
auxiliaires» de la sécurité. La population locale ne laissera rien échapper
et est aujourd’hui mobilisée pour surveiller tout mouvement. Tous les guides ont été pourvus de balises Argos avec des fréquences adaptées. Les autorités connaissent tous nos lieux de campement, qui ont été repositionnés.
En-dehors de la région de l’Adrar, les risques d’enlèvement ne sont pas
exclus. Si le risque zéro n’existe nulle part, les efforts accomplis
permettent d’être serein.
Agadez
Nous avions promis à nos amis d’Agadez de reprendre les vols si la paix
était effective. Depuis le 15 octobre, les «rebelles» ont déposé les armes.
De mon séjour à Agadez... je ne trouve pas les mots pour exprimer ce qui me déchire encore aujourd’hui. J’y ai rencontré toutes les autorités
(gouverneur, police, armée etc.) Discuté des heures (et tard dans la nuit)
avec les «ex rebelles» parmi lesquels nous comptons beaucoup d’amis. Même si les stigmates des terribles inondations commencent à disparaître, c’est partout la désolation et une pauvreté qui se transforme en misère. Mais quelle fierté dans cet environnement si difficile ! J’ai souffert face à mon impuissance ; leur annoncer que nous ne serions pas présents m’est apparu comme une lâcheté que je ne pourrai jamais assumer ! La sécurité a été au coeur de toutes nos discussions. Pour nos amis touaregs, il n’était pas envisageable un instant que nous les laissions tomber.
Folie ou problème de conscience ?
C’est la question que je me pose de manière permanente! Je sais que
Point-Afrique sera condamné si nous nous exposons au moindre problème
d’enlèvement. Depuis quelques mois, je me suis plus préoccupé de problèmes
de sécurité que du fonctionnement même de mon entreprise. En toute
honnêteté, à l’exception du nord Gao, les conditions de sécurité me
paraissent acquises (sous réserve de ne pas faire n’importe quoi). Les
populations locales mesurent les dangers de la gangrène A.Q.M.I... et sont nos alliées pour lutter contre ces déviations. Nous sommes leur espoir et, j’en ai la profonde conviction, leur dernier rempart avant que tout ne bascule. Je fréquente l’Afrique depuis plus de trente ans. Rien n’est perdu et la situation peut encore revenir à la normalité, à condition de ne pas lâcher. Oui, le tourisme comme arme pour la paix est plus que jamais une réalité. Demain, si nous levons le pied, toutes ces régions
«s’afghaniseront» et deviendront le lit d’un terrorisme que nous ne saurons plus endiguer. Ce ne sont pas les quelques militaires américains - si imbus d’eux-mêmes dans les environs de Gao - qui rétabliront la paix. Les populations locales ne les supportent plus et les jeunes, un à un,
rejoindront dans les montagnes les camps d’entraînement d’AQMI. Demain, le terrorisme sera à nos portes, et il sera trop tard. Faisons barrage à cette haine qui gronde. Nous avons fait tout ce qui était en notre possible pour vous assurer, dans ces zones surveillées, le maximum de sécurité.
Excusez-moi de vous avoir pris tout ce temps, et merci de votre lecture.
Quant à ceux qui douteraient de ma sincérité et qui pensent que le business prime sur notre action, je peux les assurer que, si nous ne prenions en compte que cet aspect des choses, nous programmerions. .. les Baléares ou la Crète! J’ai choisi l’Afrique la plus défavorisée... et je ne baisserai jamais les bras! Même si j’ai des moments de grande tristesse...
Salutations à tous,
Maurice Freund.
rajouter l'algérie s'ouvre et la tunisie se referme
dixit Pierre Devaux
Le point de vue de Maurice Freund (Point Afrique)
Depuis la création de la Lettre de Point-Afrique, une fois n’est pas
coutume, je me permets de m’adresser directement à vous pour vous soumettre mes réflexions, mes espoirs et mes soucis autour de notre activité dans la zone saharo-sahélienne.
En ces moments où l’on ne parle que de prises d’otages et du développement du néo-fondamentalisme islamique, quelle est notre position? Quelles sont
les perspectives de Point-Afrique? Devons-nous poursuivre? Nous arrêter?...
Analysons ensemble, pays par pays, les dernières évolutions.
Mali/Gao
Voilà quinze ans, l’aventure de Point-Afrique a démarré par le lancement
d’un vol sur Gao. C'était notre contribution pour sceller une paix retrouvée après cinq années de guerre fratricide. J’ai cru en un tourisme responsable et digne qui endiguerait et atténuerait la haine sous-jacente envers l’occident. Force est de constater qu’aujourd’hui, la superposition d’une rébellion au nord de Gao, de l'installation du néo-fondamentalisme et des agissements de bandes maffieuses ne permettent plus d’assurer une sécurité suffisante. Un ami de très longue date a fini, en mai 2009, par rejoindre A.Q.M.I (la branche maghrébine de Al Quaida). Nous nous devions de lever le pied et d’annuler Gao pour la saison 2009/2010. J’en souffre quotidiennement et un sentiment d’amertume m'habite. Une grande partie de la population devient complice de cette nouvelle gangrène. Nous avons perdu la bataille de Gao.
Mopti
A fin décembre 2009, la situation n’est guère brillante. Globalement, le
recul des flux touristiques est de 25 à 30%. Point-Afrique progresse de 20%, mais ne représente que le quart de l’activité. L’offre touristique locale dépasse largement la demande.
La situation au Mali (excepté au nord et à l’est d’une ligne Tombouctou -
Gao - Menaka) reste sécurisée. Sur un plan pratique, le reflux touristique
devrait permettre de réactiver cette zone avec une «clientèle» plus
concernée et d’établir, en partenariat avec les autorités et les
populations, de nouvelles stratégies de développement. La crainte réside
dans l’élargissement de la gangrène vers le Mali central. Le risque fondamentaliste n’est pas pris suffisamment en compte par les populations locales... Nous avons prévu des rencontres de travail à la fin de la saison
Mauritanie
La situation en Mauritanie (du moins dans l’Adrar) est quelque peu
différente. Rappelons que fin décembre 2007, avant l'incident d’Aleg, plus
de six cents personnes débarquaient chaque semaine à Atar...
Il n’y a que très récemment que les populations locales (et les politiques)
ont cessé de nier l’existence de cellules d’A.Q.M.I le long des frontières
algéro-maliennes. Il y eut donc une politique très laxiste sous l'ancien
régime et le pays est en train de payer au prix fort cette légèreté.
Qu’en est-il aujourd’hui? Depuis quelques semaines, le gouvernement a
sérieusement repris en main la sécurisation du pays. Si toutes les zones ne sont pas sans danger, la région de l’Adrar a été totalement revisitée. A la mi-octobre, je me suis rendu à Nouakchott. J’y ai rencontré le Ministre du commerce et du tourisme, le Premier Ministre, le Conseiller spécial du Président de la République et les principaux acteurs de la sécurité. Nous avons, dans une collaboration exemplaire, défini des stratégies et des procédures incluant la population, les guides et les services de sécurité.
Mon fils Philippe Freund a travaillé durant deux mois à Atar, Chinguetti et
dans les environs, à sécuriser la zone. Tous les guides autorisés ont suivi
des stages de formation pour en faire en quelque sorte des «agents
auxiliaires» de la sécurité. La population locale ne laissera rien échapper
et est aujourd’hui mobilisée pour surveiller tout mouvement. Tous les guides ont été pourvus de balises Argos avec des fréquences adaptées. Les autorités connaissent tous nos lieux de campement, qui ont été repositionnés.
En-dehors de la région de l’Adrar, les risques d’enlèvement ne sont pas
exclus. Si le risque zéro n’existe nulle part, les efforts accomplis
permettent d’être serein.
Agadez
Nous avions promis à nos amis d’Agadez de reprendre les vols si la paix
était effective. Depuis le 15 octobre, les «rebelles» ont déposé les armes.
De mon séjour à Agadez... je ne trouve pas les mots pour exprimer ce qui me déchire encore aujourd’hui. J’y ai rencontré toutes les autorités
(gouverneur, police, armée etc.) Discuté des heures (et tard dans la nuit)
avec les «ex rebelles» parmi lesquels nous comptons beaucoup d’amis. Même si les stigmates des terribles inondations commencent à disparaître, c’est partout la désolation et une pauvreté qui se transforme en misère. Mais quelle fierté dans cet environnement si difficile ! J’ai souffert face à mon impuissance ; leur annoncer que nous ne serions pas présents m’est apparu comme une lâcheté que je ne pourrai jamais assumer ! La sécurité a été au coeur de toutes nos discussions. Pour nos amis touaregs, il n’était pas envisageable un instant que nous les laissions tomber.
Folie ou problème de conscience ?
C’est la question que je me pose de manière permanente! Je sais que
Point-Afrique sera condamné si nous nous exposons au moindre problème
d’enlèvement. Depuis quelques mois, je me suis plus préoccupé de problèmes
de sécurité que du fonctionnement même de mon entreprise. En toute
honnêteté, à l’exception du nord Gao, les conditions de sécurité me
paraissent acquises (sous réserve de ne pas faire n’importe quoi). Les
populations locales mesurent les dangers de la gangrène A.Q.M.I... et sont nos alliées pour lutter contre ces déviations. Nous sommes leur espoir et, j’en ai la profonde conviction, leur dernier rempart avant que tout ne bascule. Je fréquente l’Afrique depuis plus de trente ans. Rien n’est perdu et la situation peut encore revenir à la normalité, à condition de ne pas lâcher. Oui, le tourisme comme arme pour la paix est plus que jamais une réalité. Demain, si nous levons le pied, toutes ces régions
«s’afghaniseront» et deviendront le lit d’un terrorisme que nous ne saurons plus endiguer. Ce ne sont pas les quelques militaires américains - si imbus d’eux-mêmes dans les environs de Gao - qui rétabliront la paix. Les populations locales ne les supportent plus et les jeunes, un à un,
rejoindront dans les montagnes les camps d’entraînement d’AQMI. Demain, le terrorisme sera à nos portes, et il sera trop tard. Faisons barrage à cette haine qui gronde. Nous avons fait tout ce qui était en notre possible pour vous assurer, dans ces zones surveillées, le maximum de sécurité.
Excusez-moi de vous avoir pris tout ce temps, et merci de votre lecture.
Quant à ceux qui douteraient de ma sincérité et qui pensent que le business prime sur notre action, je peux les assurer que, si nous ne prenions en compte que cet aspect des choses, nous programmerions. .. les Baléares ou la Crète! J’ai choisi l’Afrique la plus défavorisée... et je ne baisserai jamais les bras! Même si j’ai des moments de grande tristesse...
Salutations à tous,
Maurice Freund.
rajouter l'algérie s'ouvre et la tunisie se referme
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Moto : Turbine HM
Date d'inscription : 13/07/2007
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